La justice chevaleresque
Le blog de Véronique Fontana

Qui paie en cas de changement de sexe ?

Retour au blog
24/11/2023 | Articles

 

Un homme avait entrepris une procédure de changement de sexe en raison d’une dysphorie de genre due à son identité transgenre. Son acte de naissance a été modifié et elle est désormais de sexe féminin.

 

Cette femme a, par la suite, requis la prise en charge d’une chirurgie consistant en un rabotage de l’arcade sourcilière afin de féminiser son front. Cependant, elle a procédé à l’opération avant d’avoir la confirmation de prise en charge de son assurance-maladie. Or, cette dernière a refusé le paiement de la prestation, estimant que les conditions n’étaient pas remplies. En effet, selon l’assurance-maladie, les arcades sourcilières ne font pas partie des caractères sexuels secondaires.

L’assurée a fait opposition à la décision, laquelle a été confirmée par son assurance-maladie. Elle a alors décidé de porter l’affaire en justice mais la Chambre des assurances sociales du canton de Genève a rejeté son recours, de sorte qu’elle est montée au Tribunal fédéral en invoquant une appréciation arbitraire des preuves et un établissement manifestement inexact des faits. En effet, l’assurée estimait que l’intervention chirurgicale visait à corriger un caractère sexuel secondaire et devait, par conséquent, être prise en charge.

Il faut savoir que l’opération de changement de sexe en cas de dysphorie de genre doit être envisagée de façon globale tant pour des raisons physiques que psychologiques. En outre, si les conditions justifiant l’opération chirurgicale évoquée sont réalisées, les interventions complémentaires visant à modifier les caractères sexuels secondaires font en principe partie des prestations obligatoires devant être mises à la charge des assureurs-maladie, pour autant qu’elles soient efficaces, appropriées et économiques. Les caractères sexuels secondaires sont ceux qui confèrent à l’individu une apparence féminine ou masculine. Ainsi, une particularité physique qui serait incompatible avec l’apparence féminine ou masculine recherchée doit être assimilée à un caractère sexuel secondaire.

Or, la Cour cantonale avait considéré que les arcades sourcilières n’entraient pas dans la définition des caractères sexuels secondaires. En outre, elle avait estimé que la proéminence des arcades sourcilières de l’assurée ne constituait pas une particularité physique incompatible avec une apparence féminine et avait considéré que les arcades sourcilières n’étaient pas suffisamment développées pour provoquer une souffrance chez la patiente. Il faut rappeler que l’objectif de l’intervention est de donner à la personne concernée une apparence extérieure correspondant à son nouveau sexe. En effet, cela ne relève pas du seul désir de l’intéressée, de sorte que le caractère sexuel secondaire dont la modification est envisagée doit présenter une apparence typique de l’autre sexe que celui attribué, faute de quoi l’opération projetée relèverait de la chirurgie esthétique.

Le Tribunal fédéral a considéré que l’appréciation de la juridiction de première instance n’était pas arbitraire. En effet, seul le médecin qui avait procédé au changement de sexe avait indiqué, avant son intervention, que les arcades sourcilières étaient très marquées et avait un aspect très masculin. Or, les autres médecins traitants de l’assurée n’étaient pas de cet avis. Ainsi, c’est à juste titre que la Cour cantonale s’est basée sur l’ensemble des déclarations des médecins et a estimé que l’intervention relevait purement de l’esthétique et ne remplissait pas les conditions de prise en charge par l’assurance-maladie.

En conséquence, notre Haute Cour a rejeté le recours déposé par l’assurée et ainsi confirmé le jugement de première instance (Réf : 9C_123/2022)

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.