La justice chevaleresque
Le blog de Véronique Fontana

Le coup du facteur a encore de beaux jours devant lui

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06/07/2021 | Articles, Droit pénal

Lorsque quelqu’un n’a pas reçu un jugement pourtant posté par recommandé et qu’il apprend sa condamnation tardivement, que peut-il faire ?

Le Tribunal fédéral vient de se pencher sur un cas où le Ministère public a expédié une ordonnance pénale, en recommandé.

En l’absence du destinataire, l’avis de retrait postal a été déposé dans sa boîte aux lettres.

A l’échéance du délai de 7 jours, le jugement qui n’avait pas été réclamé a été retourné au Ministère public.

Cela étant, le condamné a appris plus tard qu’il avait fait l’objet d’une ordonnance pénale et l’a contestée… mais le délai pour agir était déjà échu…

Le Tribunal de police a jugé l’opposition comme tardive, si bien que le condamné a porté son affaire jusqu’au Tribunal fédéral.

Il a  soutenu qu’il n’avait jamais trouvé de « papier jaune » et que le facteur avait dû se tromper en mettant cet avis dans une autre boîte aux lettres.

*   *   *

En général, lorsqu’un envoi expédié par lettre signature n’a pas été retiré au guichet postal dans le délai de garde, il est réputé avoir été notifié valablement, si le destinataire devait s’attendre à une telle remise.

Pour les envois par recommandé, il existe une présomption que l’employé de la poste a dûment déposé l’avis dans la boîte aux lettres du destinataire et que la date de distribution a été correctement enregistrée.

Par conséquent, si ce dernier ne parvient pas à établir l’absence de dépôt dans sa boîte, au jour attesté par le facteur, la remise est censée avoir eu lieu.

La seule possibilité -toujours envisageable- d’une erreur de la poste, ne suffit pas à renverser la présomption. Il faut qu’il existe des indices concrets d’erreur.

Dans cette affaire, le recourant n’a fait état que de « suppositions » et n’a pas prouvé de dysfonctionnements concrets dans la distribution de son courrier.

Ses explications n’ont donc pas été de nature à renverser la présomption découlant du Track & Trace…  et il a été débouté.

*   *   *

Ce qu’il faut savoir c’est qu’il est en principe quand même possible de demander la restitution d’un délai qu’on a raté, si on a été empêché de le respecter et qu’on est de ce fait exposé à un préjudice important et irréparable. (Dans cette affaire le recourant n’a pas invoqué cet argument).

Mais il faut, bien évidemment, rendre vraisemblable, notamment, que l’empêchement n’est imputable à aucune faute de sa part. Il faut donc prouver par exemple qu’un accident ou une maladie a mis le destinataire, objectivement et subjectivement, dans l’impossibilité d’agir ou de charger un tiers d’agir à sa place dans le délai.

*   *   *

Cette affaire est bien malheureuse et les exigences posées par le Tribunal fédéral sont en pratique quasiment impossibles à remplir.

En réalité, prouver la non-distribution d’une invitation à retirer un envoi est un fait négatif et on ne peut pas en apporter la preuve formelle !

Il s’agit de prouver un fait négatif …et là il faut se lever particulièrement tôt !

Le coup du facteur, moi je le connaissais dans un autre sens ! …Ici c’est à l’envers du bon sens… mais qu’est-ce qu’on rigole en attendant le facteur… ou pas…

Véronique Fontana

Etude Fontana
Avocat Lausanne

 

référence de l’arrêt: 6B_517/2021

Commentaires

2 réponses à “Le coup du facteur a encore de beaux jours devant lui”

  1. Fdidoux dit :

    Rompu à l’exercice de la logique formelle, votre conclusion me semble excellente. Malheureusement.

  2. Dominic dit :

    Merci pour votre article qui m’a bien intéressé.

    En rapport de constats d’erreurs régulières et relativement nombreuses de La Poste, qu’elle ne nie pas et reconnaît même au cas par cas, ne serait-il pas possible de remettre en question la fiabilité admise par défaut ? Impossible de prouver qu’un envoi n’a pas été remis, ou l’avis déposé dans la boîte à lettres, mais les statistiques de grandes sociétés de vente en ligne peuvent faire apparaître que les lacunes sont nombreuses. Ayant eu en quinze jours trois envois sur cinq qui ne me sont pas parvenus, pouvant démontrer la négligence des facteurs vis-à-vis des règlements de La Poste et ceci grâce à des témoignages des voisins, j’ai voulu questionner à la fois le fournisseur et La Poste. L’un et l’autre n’ont pas été avares en réponses et se sont montrés de bonne foi. Le premier : « Nous avons de nombreuses réclamations de nos clients, le service de La Poste est effectivement un problème, mais globalement les avantages dépassent les défauts ». La seconde : « Nous essayons de nous améliorer, ne cessons pas d’agir dans ce but, mais pour cela il faut du temps. Désolé pour les désagréments que vous avez subis, merci de votre compréhension ».

    Ces déclarations spontanées ne suffiraient-elles pas pour que les juges puissent parvenir à la conclusion que la version donnée par la personne disant « n’avoir rien reçu » est plausible ? Cela pourrait évidemment favoriser la solution facile d’attribuer chaque fois la faute à La Poste, mais il me semble que la Justice en Suisse ne favorise pas l’efficacité au détriment de l’objectivité (ou bien ?..)

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