Durcissement ou adoucissement ?
Retour au blogLe nombre maximum de jours-amende passe de 360 à 180.
Durcissement ou adoucissement ?
Dans un Arrêt du 5 mai 2021 (6B_1308/2020), le Tribunal fédéral s’est penché sur les conséquences de la réforme du droit des sanctions en vigueur depuis le 1er janvier 2018. Il s’agit notamment de la modification de l’article 34 du Code pénal qui, jusqu’au 31 décembre 2017 prévoyait que le maximum des jours-amende était de 360.
Du fait de la réforme, il a été ramené, dès le 1er janvier 2018, à 180.
Les faits en bref :
Suite à un accident survenu le 21 octobre 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a, par jugement du 14 novembre 2019, condamné X pour lésions corporelles graves par négligence et violation des règles de l’art de construire par négligence à une peine pécuniaire de 300 jours-amende à CHF 30.- le jour, avec sursis durant 2 ans.
Par jugement du 2 juillet 2020, la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, statuant sur l’appel formé par X contre ce jugement, a réformé celui-ci en ce sens que X est condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 30.- le jour, avec sursis pendant 2 ans.
La question qui se posait était de savoir si X devait être jugé selon le droit existant en 2015, à la date de l’accident, ou, au contraire, selon le droit en vigueur depuis le 1er janvier 2018.
Le principe est le suivant :
Selon l’article 2, al. 1er du Code pénal (CP), la loi pénale ne s’applique qu’aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de la non-rétroactivité de la loi pénale). Toutefois, en vertu de l’article 2, al. 2 CP, une loi nouvelle s’applique aux faits qui lui sont antérieurs si, d’une part, l’auteur est mis en jugement après son entrée en vigueur et si, d’autre part, elle est plus favorable à l’auteur que l’ancienne loi. Dans ce cas, on parle d’exception de la lex mitior, la lex mitior devant être comprise comme la loi la moins dure.
Il en découle que l’on applique en principe la loi en vigueur au moment où l’acte a été commis, à moins que la nouvelle loi ne soit plus favorable à l’auteur.
Pour déterminer quel est le droit le plus favorable, il y a lieu d’examiner l’ancien et le nouveau droit dans leur ensemble et de comparer les résultats auxquels ils conduisent dans le cas concret. Le nouveau droit ne doit être appliqué que s’il conduit effectivement à un résultat plus favorable au condamné. Par ailleurs, l’ancien et le nouveau droit ne peuvent pas être combinés. Ainsi, on ne saurait, à raison d’un seul et même état de fait, appliquer l’ancien droit pour déterminer quelle infraction a été commise et le nouveau droit pour décider si et comment l’auteur doit être puni.
Si l’un et l’autre droit conduisent au même résultat, c’est l’ancien droit qui est applicable.
Dans le cas présent, c’est le Ministère public qui a formé un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du Tribunal cantonal du 2 juillet 2020. Le recours du Ministère public tendait à la réforme du jugement cantonal du 2 juillet 2020 et à la confirmation du jugement du Tribunal de police du 14 novembre 2019.
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Dans son message relatif à la réforme du droit des sanctions, le Conseil fédéral explique que le nouvel article 34 CP vise à réduire le champ d’application de la peine pécuniaire et, par conséquent, à accroître celui de la peine privative de liberté. Il relève que la réduction de la peine pécuniaire maximale à 180 jours-amende participe au durcissement général du régime des peines, précisant encore que si la gravité de la faute commise ne s’accommode pas avec une peine pécuniaire de moins de 180 jours-amende et que les conditions ne sont pas réunies pour accorder un sursis au condamné, la seule option qui s’offrira au juge, sera la peine privative de liberté ferme. Il conclut que l’auteur sera ainsi puni plus sévèrement.
Il s’agit donc d’un durcissement de la loi, en ce sens que si l’infraction mérite une sanction supérieure à 180 jours-amende, l’infraction ne sera plus sanctionnée par une peine pécuniaire mais par une peine privative de liberté.
En l’espèce, le Tribunal fédéral a admis le recours du Ministère public en considérant que la Cour cantonale n’a pas procédé à une comparaison concrète entre l’ancien et le nouveau droit pour déterminer quel était le droit le plus favorable.
La Cour cantonale a déclaré qu’une peine pécuniaire -qui pouvait selon le droit en vigueur en 2015 se monter à 300 jours-amende- était suffisante pour sanctionner le comportement de X. Puis, dans la suite de son raisonnement, la Cour cantonale a appliqué le nouveau droit pour amener la quotité de sa peine de 300 à 180 jours-amende.
Le Tribunal fédéral a considéré que cette manière de faire, qui consiste à combiner l’application de l’ancien et du nouveau droit, contrevient à la Jurisprudence.
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L’affaire a donc été renvoyée à la Cour cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants du Tribunal fédéral. Ce dernier a ordonné au Tribunal cantonal de procéder comme suit:
Dans son nouveau jugement, la Cour cantonale devra, dans une première étape, appliquer à l’infraction en cause l’ancien droit, sous l’empire duquel les faits se sont produits. Elle devra déterminer si, dans le système de l’ancien droit, une peine pécuniaire de 300 jours-amende correspond à la culpabilité de X.
Dans une seconde étape, elle devra appliquer le nouveau droit dans sa totalité à cette même infraction, ce qui devra conduire, à culpabilité identique, à retenir une sanction de 300 jours de peine privative de liberté. Dès lors qu’il est admis qu’une peine privative de liberté est plus sévère qu’une peine pécuniaire, elle devra appliquer l’ancien droit et confirmer la peine pécuniaire de 300 jours-amende.
Si, au contraire, la Cour cantonale arrive à la conclusion que, selon le système de l’ancien droit, la gravité de la faute de X doit conduire à une peine pécuniaire de moins de 300 jours-amende, par exemple de 180 jours-amende, elle pourra prononcer une peine pécuniaire de 180 jours-amende. Dans ce cas, l’application du nouveau droit conduira au même résultat et ne sera donc pas plus favorable.
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En conclusion, il faut retenir que la réforme du droit des sanctions, entrée en vigueur au 1er janvier 2018, est en fait un durcissement de la répression pénale. Il faut retenir encore que le Tribunal doit appliquer la loi la plus favorable au condamné, étant précisé qu’il est interdit de combiner l’ancien et le nouveau droit.
…Ce n’est donc pas aussi simple qu’il n’y paraît…
Véronique Fontana
Etude Fontana
Avocat à Lausanne
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