Prépare toi…à la prison !
Retour au blogDans une affaire récente*, le Tribunal fédéral a eu à trancher une affaire singulière, où un ressortissant des Balkans avait fait l’acquisition d’une arme à feu dans le but de supprimer l’époux de son ex-femme. Condamné pour menaces et actes préparatoires délictueux notamment, il avait écopé d’une peine privative de liberté de 3 ans, avec expulsion du territoire suisse d’une durée de 12 ans, plus paiement d’une indemnité de seize mille francs pour tort moral à sa victime.
En résumé, l’auteur de ces actes pénalement répréhensibles avait pris des dispositions concrètes en vue de tuer le second mari de son ex-épouse, dont il avait eu un fils. Dans cette idée, l’auteur a d’abord effectué des repérages de son « rival », en le faisant suivre jusqu’à son domicile et en le filmant au moyen de son téléphone portable. Il s’est ensuite procuré illégalement un pistolet, qu’il a d’ailleurs montré à son fils, en lui faisant promettre de ne rien dire. Il a ensuite menacé sa victime, en lui montrant son chargeur de pistolet munitionné, et en lui disant « 5 balles pour toi ça suffira ». Il a ensuite, à plusieurs reprises, suivi et interpellé sa victime sur son lieu de travail. Il a enfin tenté de le rencontrer, mais a été in extremis interpellé par la police alors qu’il détenait sur lui, le pistolet chargé, camouflé dans sa veste.
Au final, le Tribunal fédéral relève que l’infraction d’actes préparatoires délictueux au sens de l’article 260bis du Code pénal est très spécifique. Selon cette disposition légale, est puni d’une peine d’emprisonnement de 5 ans au plus, celui qui prend, conformément à un plan, des dispositions concrètes d’ordre techniques ou organisationnelles, dont la nature et l’ampleur indiquent qu’il s’apprête à passer à l’exécution, notamment d’un meurtre ou d’un assassinat. D’autres infractions sont aussi susceptibles, au stade de la préparation, d’impliquer une condamnation pénale. Il s’agit des lésions corporelles graves, du brigandage, de la séquestration, de l’enlèvement, de la prise d’otage, de l’incendie intentionnel, du génocide, du crime contre l’humanité et des crimes de guerre. Sont particulièrement visés par le Code pénal, les actes antérieurs à la tentative, à savoir ceux qui n’ont même pas véritablement commencés. Cela étant, une simple intention ou de vagues projets ne sont pas suffisants. Il faut en particulier que l’auteur ait pris des dispositions concrètes, et qu’il l’ait fait conformément à un plan. Il faut dès lors que l’auteur de l’infraction se voie reprocher l’accomplissement de plusieurs actes, et que ceux-ci apparaissent comme des préparatifs s’inscrivant dans une entreprise réfléchie. La jurisprudence relève toutefois qu’il n’est pas nécessaire que ce plan soit suffisamment précis ou qu’il puisse se rapporter à une infraction déjà définie quant au lieu, au moment et à la manière d’agir. Il suffit, en fait, que l’auteur se procure les moyens pratiques d’exécuter l’infraction, par exemple le fait de se procurer une arme, et qu’il ait aussi mis en place les moyens permettant à l’opération de se dérouler. C’est notamment le cas pour un repérage des lieux. Ce nonobstant, il faut encore que la nature et l’ampleur des dispositions prises indiquent que l’auteur s’apprête à passer à l’exécution de l’infraction, de sorte que l’on puisse raisonnablement admettre que l’auteur persévèrera dans sa volonté délictueuse exprimée jusqu’à l’exécution de l’infraction.
Ici, le Tribunal fédéral a considéré que l’ensemble de ces conditions étaient réunies, de par la surveillance du domicile de la victime, du fait que l’auteur s’était rendu sur son lieu de travail, qu’il lui avait montré le chargeur contenant des balles en lui indiquant ce qu’il allait en faire : le tuer. Ont été également déterminants, les conversations téléphoniques, les tentatives de contact, et surtout le rendez-vous final avec l’arme chargée, à savoir le pistolet que l’auteur s’était au surplus procuré illicitement. Pesés dans la balance, tous ces éléments laissaient présager l’exécution de l’infraction projetée et donc une issue fatale. Cela étant, il est parfois extrêmement difficile de distinguer entre les actes préparatoires punissables et ceux qui ne le sont pas. Cette distinction doit intervenir en fonction de la personnalité de l’auteur et des circonstances concrètes, ce qui laisse une très large marge d’appréciation aux tribunaux. D’ailleurs, on peut imaginer que la complicité soit aussi punissable…
Toutes ces circonstances et conditions laissent apparaître que, selon le droit pénal actuel, il est possible de réprimer non seulement l’acte commis, la tentative, mais aussi les actes antérieurs visant à préparer l’accomplissement d’infractions pénales particulièrement graves. C’est d’ailleurs très souvent sur cette base que les auteurs d’infractions les plus graves, de terrorisme, d’assassinat ou de meurtre sont appréhendés, toute la difficulté étant ensuite de démontrer qu’un véritable plan et une véritable organisation se cachaient derrière des éléments qui, pour certains, sont parfois anodins.
Mais cela n’est rien face au traumatisme considérable (c’est le cas dans cette affaire) de la victime, qui peut subir un stress post-traumatique très important, de par le seul fait d’avoir « échappé à la mort ». L’idée même d’une atteinte ou de conséquences funestes peuvent être d’une très grande violence, et ce traumatisme peut perdurer. On relève que la peine maximale est de 5 ans, de sorte qu’après quelques années, l’auteur peut sortir le cas échéant de prison, nonobstant une procédure d’expulsion. En réalité, la pensée, le plan et l’organisation d’un acte grave qui ne s’est jamais réalisé peut parfois avoir des conséquences extrêmement lourdes.
En fait, les seules pensées peuvent parfois avoir des conséquences gravissimes, et peuvent même tuer. Alors oui, dans cette hypothèse, même un chargeur vide aurait été suffisant…
Je me prépare activement à lire vos commentaires.
Votre dévouée.
Véronique Fontana
Etude Fontana
Etude d’avocats
* arrêt du Tribunal fédéral 6B_482/2020 du 7 octobre 2020
Trop de SI , pour et contre.
Ça donne trop de liberté de jugement.
Si l’accusé eût été suisse, le jugement aurait-il été différent, sachant que les Balkans ont le sang chaud?
Il va faire un an et demie, être expulsé par la porte, revenir par la fenêtre et… retour à la case départ!
Voyez, chère Véronique, on nous serine jusqu’à plus soif, la démocratie des trois socles.
Bon, le bon peuple, on ne va pas le changer et encore moins avec la pauvreté de ses médias;
Le deuxième niveau freine de tout son licol, pour dire de quoi il vit, l’animal bâté aux lobbies;
Le troisième (le vôtre) vit encore au siècle passé, sinon plus…! Et en plus il se contredit.
Mes réponses vous ont-elles satisfaites?
Erratum
il fallait bien sûr lire « satisfait ».
Quelle peu de convivialité, ces blogs 🙂