La justice chevaleresque
Le blog de Véronique Fontana

US Open : le dollar comme antidote au virus ?

Retour au blog

Au-delà de l’aspect purement sportif des grandes manifestations, se posent non seulement des problématiques sanitaires et éthiques mais aussi des questions juridiques complexes, preuves en sont les conditions fixées par les organisateurs de l’US Open 2020 à Flushing Meadows.

 

En effet, les athlètes souhaitant participer à cette compétition doivent s’engager, par écrit, sur le modèle du droit américain et de façon explicite, en déclarant notamment être pleinement conscients des risques sanitaires liés aux locaux et aux installations sportives.

 

Indépendamment du respect des règles sanitaires liées au Covid 19, ils doivent aussi déclarer accepter d‘assumer pleinement et sans réserve toutes les conséquences sur leur santé, d’une infection liée à la pandémie.

 

Ces engagements vont extrêmement loin puisque les joueurs doivent déclarer assumer volontairement l’entière responsabilité des risques inhérents à la pandémie y compris une maladie grave, une blessure ou même un décès !

 

De même, les organisateurs exigent un engagement des joueurs de ne pas poursuivre judiciairement, ni les organisateurs du tournoi, ni les autorités gouvernementales, en cas d’infection durant le tournoi.

 

Tout ceci avec clauses de confidentialité et de discrétion évidemment…

 

N’en jetez plus… le contrat est à cet égard particulièrement indigeste…

 

  *   *   *

 

Cela étant et indépendamment des conditions et exigences du droit américain, on peut se poser la question de la portée de tels engagements s’ils devaient être transposés en droit suisse.

 

La première question qui se pose est celle de l’objet et de la nature de tels engagements.

 

Selon le Code des obligations (article 19 alinéa 1er CO) le principe de la liberté de l’objet du contrat signifie qu’à priori les parties sont libres d’aménager comme elles l’entendent leurs relations contractuelles.

 

Ce principe est cependant limité lorsque l’Etat considère qu’il y a un besoin de protection (article 19 et 20 CO et article 27 CC). En effet, les restrictions à la liberté contractuelle découlent à la fois des droits de la personnalité (art. 28 CC) et de certains droits constitutionnels.

 

Ici, on se trouve très souvent à un point de rencontre entre le droit et la morale.

 

En particulier, la loi (article 27 alinéa 2 CC) protège la personne contre l’aliénation ou la restriction excessive de sa propre liberté.

 

Se pose aussi, en filigrane à cette problématique, celle de la capacité de discernement et du libre arbitre des cocontractants.

 

L’une des problématiques les plus cruciales, en l’espèce, est celle de l’exonération de responsabilité en cas de maladie, de lésion corporelle ou même de décès.

 

Ici, la jurisprudence et la doctrine helvétiques ne sont pas unanimes :

 

Certains auteurs considèrent que ces exonérations ne sont pas admissibles.

 

Mais cette opinion n’est pas confirmée par la jurisprudence et elle ne semble pas compatible avec le fait que le législateur prend la peine d’exclure de telles exonérations dans des situations particulières.

 

Toutefois on relèvera, qu’en principe, nul ne peut consentir à l’avance à n’importe quel « traitement médical » par exemple, dès lors qu’un blanc-seing n’est pas admissible et serait potentiellement nul au regard de la loi (art. 27 al 2 CC).

 

Pour être valable le consentement doit se rapporter de façon précise et exclusive à un fait particulier défini préalablement dans le cadre d’une obligation d’information.

 

  *   *   *

 

Cela étant, l’énumération de ces principes ne permet que difficilement de résoudre une problématique aussi complexe.

 

  • Qui peut raisonnablement et objectivement évoquer les conséquences d’une maladie grave dont les différents aspects sanitaires sont en l’état peu connus ?

 

  • Qui peut se targuer d’avoir mis en place un système de protection efficace et pérenne alors que depuis des mois les autorités sanitaires naviguent à vue et divergent dans leurs appréciations ?

 

  • Qui peut raisonnablement croire que les sportifs sont suffisamment conscients de ces problématiques pour accepter librement de prendre des engagements quasiment léonins ?

 

Personne évidemment !

Mais ici même sans public même avec toutes les précautions possibles, la seule règle qui semble s’appliquer est celle du prize money… money money money money….

 

Et là ou la santé passe au second plan les jeux du cirque ne sont pas loin…

 

Véronique Fontana

Etude Fontana
Cabinet avocats Lausanne

Commentaires

2 réponses à “US Open : le dollar comme antidote au virus ?”

  1. Sonzogni dit :

    Pour cette raison, je continue à exprimer haut et fort qu’aucun sportif ne « pèse » 220 millions de dollars. Ces montants exorbitants sont malsains et génèrent des comportements de gosses gâtés qui donnent le mauvais exemple à notre jeunesse. Sans parler des crachats dont ils inondent les pelouses qui ont pour conséquence une attitude devenue normale dans les rues. Du fric mais aucune éducation (sauf notre Idole suisse que chaque femme souhaiterait avoir comme beau fils, n’est-ce pas Mirka) ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.