La justice chevaleresque
Le blog de Véronique Fontana

Attention au rétroviseur dénonciateur

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Introduction

 

Dans une affaire récente le Tribunal fédéral a eu à juger un cas de circulation routière opposant deux véhicules sur l’autoroute Lausanne-Genève, affaire qui peut potentiellement toucher chacun d’entre nous.

 

 

Les faits

 

Sur l’autoroute, entre Aubonne et Lausanne, une conductrice qui circulait sur la voie de dépassement a spontanément dénoncé le conducteur qui la suivait pour, selon elle, « conduite dangereuse ». Elle lui reprochait de l’avoir talonnée, la collant à une distance maximale d’un mètre sur un tronçon de près de 900 mètres alors que l’ensemble des véhicules roulaient à 100km/heure et que le trafic était très dense ce jour-là.

 

La conductrice roulait sur la voie de gauche sans possibilité de se rabattre en raison de la densité importante du trafic.

 

Toutes les tentatives du véhicule qui la talonnait de la dépasser, même par la droite, ont échoué, compte tenu de l’intense circulation ce jour-là.

 

 

Condamnation

 

Pour ce comportement, l’automobiliste qui suivait la conductrice en question, a été condamné pour violation grave des règles de la circulation routière nonobstant ses dénégations.

 

 

La bataille

 

Invoquant jusqu’au Tribunal fédéral le principe in dubio pro reo, c’est-à-dire la présomption d’innocence, et une appréciation arbitraire des preuves, l’automobiliste, condamné sur l’unique base des déclarations de l’autre automobiliste (sans aucune autre preuve) a vainement tenté de remettre en cause les faits dénoncés par la conductrice qui le précédait.

 

 

Les déclarations de la conductrice comme seule preuve

 

La conductrice avait mémorisé le numéro de plaque du véhicule qui la suivait et s’était rendue au poste de police pour dénoncer la conduite dangereuse de celui qui tentait de la dépasser.

 

Depuis le début, le récit de la dénonciatrice a été considéré comme clair et détaillé, traduisant, selon les autorités, un réel vécu. A noter que cette automobiliste avait également affirmé avoir craint pour sa sécurité et même sa vie…

 

 

La version du conducteur du véhicule suiveur écartée

 

Contestant cette version des faits, l’automobiliste pressé n’a pourtant pas été cru, notamment parce que ses explications avaient été fluctuantes, pour ne pas dire… fumeuses, variant au fil des interrogatoires,  … et le grief « d’arbitraire dans la sanction » a ainsi été rejeté, à tous les échelons de la procédure.

 

C’était une parole contre l’autre pourtant, en l’absence de témoin…

 

 

Conclusion

 

Au-delà de la question de la dangerosité caractérisée provoquée par votre comportement sur la route, lorsque vous circulez trop près d’un véhicule qui vous précède, la question intéressante ici est celle de la confrontation des versions non concordantes de différents protagonistes ayant pourtant participé à une même situation.

 

L’idée populaire selon laquelle deux versions antagonistes s’annulent n’est en réalité pas toujours exacte.

 

Les autorités doivent en effet, concrètement, analyser les déclarations qui s’opposent et faire des choix.

 

A cet égard, les premières explications d’une personne auditionnée et les justifications d’un comportement sont souvent déterminantes.

 

Tenter de corriger, par la suite, sa version des faits est ainsi très souvent inopérante.

 

L’intérêt personnel à soutenir une version ou à la nier est un facteur important d’appréciation tout comme le comportement de chaque protagoniste directement après les faits.

 

Ici l’automobiliste talonnée a, sans hésiter, dénoncé les faits à la police, cela dans un récit qui n’a jamais varié au fur et à mesure de l’avancement de la procédure. C’est ce qui a fait sa force par rapport à l’autre conducteur, devant les autorités, et ce qui a fait pencher la balance en sa faveur.

 

Pour ces raisons, c’est sa version qui a été préférée,  par opposition à celle du conducteur qui la suivait.

 

 

*   *   *

 

 

Cette conductrice a eu de la chance et a manifestement aussi une acuité visuelle supérieure à la moyenne, étant capable en même temps de regarder devant elle et de lire à bonne distance et à l’envers les chiffres d’une plaque d’immatriculation dans son rétroviseur! 

 

Le rétroviseur…. ce petit miroir bien pratique, qui ne sert pas uniquement à se remaquiller ou à se parquer sans dommage….

 

A quand donc les caméras de recul enclenchées en permanence sur les véhicules?

 

Conseil : Ne suivez pas de trop près une femme au volant, elle pourrait avoir des super pouvoirs et vous griller avec sa vision laser.

 

Votre avocate vigilante

 

Véronique Fontana

Etude Fontana
Cabinet avocats Lausanne

 

6B_916/2020

Commentaires

8 réponses à “Attention au rétroviseur dénonciateur”

  1. Eric dit :

    Incroyable histoire, comment peut-on lire un numéro de plaque si la voiture est à 1 mètre ?
    C est assez fréquent ce genre de comportement, et un bon coup de frein, histoire de faire peur au suiveur ?
    En cas de touchette, qui est responsable ?

  2. Philippe Kunz dit :

    Ca laisse la porte grande ouverte à des dénonciations avec dashcam à l’appui. Si les dires suffisent pour condamner sans témoin, avec une dashcam ca serait encore plus efficace.

    • Cédric Jeanneret dit :

      Sauf qu’à l’heure actuelle, les vidéos des dashcam ne sont pas recevables comme preuve – tout au plus servent-elles à « éclaircir » une situation.
      Mais, franchement, le nombre de fois que j’ai eu des situations capturées sur mes dashcam (avant/arrière) qui auraient pu mener droit au retrait de permis (dépassement sur ligne pleine, zebra, usage du mobile au volant, conduites dangereuses en tous genres), j’en arrive à regretter que les dashcam ne soient pas « légalement reconnues ».

      Avec la densité de trafic actuelle, les comportements dangereux sont à proscrire – et à voir, la police de la route n’a pas les moyens d’être partout, sans doute trop occupée à mettre les radars de vitesse sur les ligne droite pour remplir les caisses -.-.

  3. Emily Turrettini dit :

    Excellent.

  4. Rétro dit :

    Entre Aubonne et Lausanne, ça veut dire l’autoroute Genève – Lausanne et non pas Lausanne – Genève. Probablement, l’effet rétroviseur !

  5. Delaplanete dit :

    Excellent !
    Ces conducteurs (terminologie à redéfinir ?) qui collent à la voiture qui les précède ne sont pas rares. En situation de dépassement ou non, ils ignorent en général la distance de freinage selon la vitesse, le rôle du profil des pneus, la qualité du revêtement de la chaussée, et parfois sont au téléphone (Natel) en conduisant d’une main ! Et en plus, ils sont prétentieux 😱.

  6. Elie Hanna dit :

    Je pense que le conducteur-témoin qui réussit à relever le numéro d’un autre qui conduit dangereusement a le devoir d’informer la justice. Si les plaintes s’accumulent pour des faits similaires contre le même conducteur le travail de la justice sera ainsi grandement facilité.

  7. Olivier Wilhem dit :

    Votre conseil est très pertinent 🙂 🙂

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