La justice chevaleresque
Le blog de Véronique Fontana

Conflits familiaux… peut-être les plus difficiles à régler

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Ce week-end, sous l’égide de l’association 2Gether, j’ai été appelée à donner une conférence sur le thème des conflits conjugaux et parentaux, plus particulièrement sur la violence en milieu familial et l’importance du réseau.

 

 Dans le cadre de cette soirée d’études juridiques ont également participé d’autres intervenants spécialisés tels que médecins, psychologues, experts en relations d’aide aux victimes, experts en relations humaines.

 

Chaque intervenant, dans son domaine de compétence, a mis en exergue des problématiques spécifiques, liées aux conflits, parfois extrêmement complexes et douloureux, déchirant les couples, les familles, les parents et les enfants.

 

Ces thématiques éclatent très souvent aux frontières du droit, de la psychologie, voire de la psychiatrie, et encore plus souvent de la morale.

 

Ces « frontières du réel » ne sont jamais dépassées que par la force des relations humaines, parfois tumultueuses.

 

*   *   *

 

Très largement interpellée et questionnée sur ces situations, que je connais d’une longue pratique judiciaire, j’ai tenté d’appréhender certains paradigmes récurrents de ces conflits lorsqu’ils émargent aux tribunaux.

 

Voilà en quelques lignes ce qui, en filigrane, est ressorti de mon propos :

 

  1. Il faut être conscient que devant des situations extrêmement conflictuelles qui génèrent pour chacune des parties – que ce soit pour chaque parent individuellement, pour le couple ou les enfants – des tensions, des douleurs et des frustrations immenses, ce que l’on appelle « la justice » ne permet quasiment jamais de régler la dimension émotionnelle et conflictuelle d’une situation donnée de façon absolue et définitive.

 

  1. L’objectif présupposé des dispositions légales – qui sont de droit fédéral donc applicables en principe uniformément dans toute la Suisse – qui sont mises en œuvre par les tribunaux, recèle une forme d’incertitude, tant la matière est casuistique et tant les critères à prendre en considération sont multiples. Cela implique qu’il est difficile de régler « facilement les problèmes » et surtout dans un laps de temps réduit. En effet, le « temps réel » n’a strictement rien à voir avec le « temps judiciaire » ; cela signifie que même dans des situations complexes, extrêmement conflictuelles et douloureuses, un tribunal en première instance peut mettre plusieurs mois, allant parfois jusqu’à une année, pour trancher, en mesures protectrices de l’union conjugale (c’est-à-dire pendant une procédure de séparation). Pendant ce temps le conflit familial perdure, sans décision judiciaire…. et je n’évoque même pas les possibilités de recours, ou d’appel, avec effet suspensif ou non, avec épuisement des instances successives, qui peut amener les procès à durer plusieurs années…

 

  1. Dans des situations où il y a plusieurs intervenants – par exemple des magistrats, les parents, le service de protection de la jeunesse, des pédopsychiatres, le curateur d’un enfant, des médecins – la multitude des intervenants censés échanger et travailler ensemble pour régler le problème, peut, dans certains cas, tourner à la cacophonie.

 

  1. Il ne faut jamais perdre de vue, que la réalité ou la « perception de la réalité » de chacun, n’a rien à voir avec la vérité judiciaire. Ce qui a été vu, ressenti, constaté, le cas échéant, n’a quasiment aucune portée, si cela ne peut pas être établi avec un très haut degré de vraisemblance voire de certitude. Là, se trouve l’origine d’une frustration, qui sera d’autant plus ressentie, parce qu’en réalité, on a le sentiment d’être incompris, de ne pas être cru, voire d’être considéré comme un menteur ou un affabulateur. Certains jouent d’ailleurs sur ce registre pour générer de la pure nuisance procédurale… et malheureusement, dans certains cas, cela fonctionne…

 

  1. Il ne faut jamais oublier, que dans le cadre de ce genre de conflit, chaque partie a tendance à utiliser toutes les armes et toutes les ressources à disposition, ce qui a pour effet d’empêcher tout dialogue et de mettre une distance énorme entre les conjoints, avec des enfants. Or en réalité, il n’est pas souhaitable quand il y a des enfants, d’avoir une coupure irrémédiable. En clair, plus le combat initial est violent et plus il se crée une distance, plus il sera difficile de revenir à un point d’équilibre.

 

  1. Conclusion: mon expérience comme avocate au barreau montre que les options stratégiques et les tactiques utilisées dans ce type de conflit doivent être pesées et analysées avec une extrême circonspection, pour éviter des situations de non-retour, une explosion des frustrations et des douleurs et un enchevêtrement entre droit, sentiments d’injustice, ressentis et affects. Tous ces éléments qui, combinés ensembles, à des dosages divers, constituent un mélange détonant.

 

 

Pour terminer je dirai :

Il n’y a pas que les enfants qui ne doivent pas jouer avec le feu…

 

Véronique Fontana

Etude Fontana
Cabinet avocats Lausanne

 

PS : ceci est un bref résumé de ma conférence ayant eu lieu le 10 octobre 2020 à Apples sous l’égide de l’association 2Gether que je remercie pour sa confiance.

 

 

Commentaires

4 réponses à “Conflits familiaux… peut-être les plus difficiles à régler”

  1. Yves Rolland dit :

    Merci pour cette communication de bon sens et d’expérience. Les vraies lois sont celles de la science et des émotions.

  2. bonjour nous sommes grands parents ma fille a ete denonce par sa propre petite de 8 ans .j’ai ete entendu par la gendarmerie j’ai denonce la violence de ma fille depuis son adolescence sa mere était déjà maltraitante. la petite etait chez son papa par référé depuis 2 mois les juges ont fait repartir la petite chez sa mere avec une mesure educative en milieu ouvert.la maman attend d etre auditionne au penal pour maltraitance corruption sur mineur et mariage blancs.aucun juges pour enfants a eu vu sur dossier de la petite car parti au pénal aujourd hui nous sommes très inquet pour la petite qui a été auditionne par la police judiciaire des fait tellement grave prochhaine convocation guge enfants février 2020 pourvu que le pénal passe avant pour protéger la petite .Je suis anéantie pour cet enfant

    • Lysbleu dit :

      Bonsoir, je comprends tellement la douleur qui est la vôtre. Étant également grand-mère d’un enfant dont l’équilibre est sérieusement compromis par les très graves dysfonctionnements de sa mère et un père moralement dévasté et trop souvent incapable de réagir correctement.
      Je vous envoie plein de courage, ne baissez pas les bras. Même si c’est difficile, ça en vaut la peine. Bien à vous

  3. Olivier Wilhem dit :

    « Les avocats portent des robes pour mentir aussi bien que les femmes »

    Sacha Guitry

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