L’ère Choupette, égérie iconique de Karl Lagerfeld.
Retour au blogKarl Lagerfeld a décidé de léguer toute sa fortune à sa chatte Choupette.
Quelle drôle d’idée !
Cette annonce officielle incongrue nous a tous interpellés.
Mais…. est-ce que c’est possible ?
Dans une telle situation il faut se pencher sur la validité d’une telle disposition de dernière volonté. Un testament doit être interprété selon la loi du pays dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle, en l’occurrence et pour le grand couturier qui était domicilié en France, c’est le Droit français qui s’applique.
Or le problème est que selon le Droit français, comme en Droit suisse, un animal n’a pas la capacité juridique. En conséquence Choupette ne peut pas hériter personnellement de la fortune que voulait lui léguer son maître.
Oh non !….. zut alors…
Mais Choupette avait pourtant déjà un compte bancaire ouvert à son nom ! Compte sur lequel ses gains issus des contrats publicitaires la concernant étaient versés par son propriétaire. Choupette est en effet une star qui a fait de la publicité et qui a déjà gagné beaucoup d’argent grâce à ses prestations. Il s’avère que l’ouverture d’un compte au nom d’un animal ne pose pas de problème, ni en France, ni en Suisse, dès lors qu’il faut toujours que l’ayant droit économique (une personne physique ou morale) soit clairement indiqué dans les documents d’ouverture du compte.
Qu’est-ce qu’on fait alors ?
Pour contourner l’impossibilité légale d’instituer valablement un animal comme héritier, en Suisse, comme en France, celui qui organise sa succession et rédige un testament, peut créer lui-même une fondation destinée à prendre soin de l’animal. Ainsi l’animal profitera de son héritage, grâce aux soins qu’on lui prodiguera et au train de vie qu’on lui offrira. Il bénéficiera de la fortune de celui qui la lui lègue, pour autant que la personne chargée de veiller aux bons soins de l’animal respecte les règles qui lui sont imposées par l’auteur du testament. Un système de contrôle peut être mis en place dans le cadre de la fondation. A cet égard, plus les règles fixées dans le testament et l’organisation de la structure de la fondation seront précises, moins le risque de détournement de la succession de son but initial sera élevé.
C’est apparemment ce que Karl Lagerfeld a fait.
Choupette est donc en réalité aujourd’hui, une héritière indirecte de la succession de son maître. C’est elle qui devra en profiter pleinement.
Comment serait traitée une telle situation en Suisse ?
Depuis de nombreuses années la législation suisse ne traite plus les animaux comme des choses, fort heureusement, mais tient compte de leur qualité d’être vivant. Les animaux ont en effet des capacités cognitives étonnantes : ils manifestent des émotions et font preuve d’empathie, ce que savent parfaitement ceux qui côtoient des chats, des chiens ou des chevaux au quotidien.
Ce constat a obligé le législateur à revoir la question des droits des animaux et de nos obligations à leur égard. Le législateur a réinventé une manière de vivre avec les animaux par le biais du droit.
Le Code Civil suisse prévoit expressément que lorsqu’un testament comprend une disposition pour cause de mort en faveur d’un animal, cette disposition sera réputée être une charge imposant aux héritiers ou aux légataires de prendre soin de l‘animal de manière appropriée. Ainsi l’animal ne peut pas hériter directement en Suisse non plus.
Il arrive aussi parfois à un juge civil de devoir décider, dans le cadre d’une procédure de divorce, de l’attribution d’un animal, lorsque les deux époux revendiquent chacun la propriété exclusive de l’animal.
Le juge examinera la situation au regard des particularités du cas à juger et accordera la propriété de l’animal à celui des époux qui a un titre de propriété ou à celui qui offre le cadre le plus adéquat pour l’animal et qui a les disponibilités ou l’organisation pour s’en occuper. Ainsi le Juge tiendra compte d’éléments objectifs mais aussi subjectifs pour attribuer l’animal à l’un des conjoints plutôt qu’à l’autre.
On voit aussi des cas où le juge, en cas de procédure de séparation de deux époux, doit fixer un système de « garde sur un animal » et également un droit d’avoir l’animal auprès de l’un ou l’autre des époux, qui s’apparente à une sorte de « droit de visite ».
Ces situations paraissent incongrues mais elles se présentent parfois en justice en raison de la relation affective que l’on entretient et que l’on développe parfois avec notre animal de compagnie. Certains animaux qui partagent notre vie peuvent devenir nos meilleurs amis et être reconnus comme tels.
C’est ce qu’a manifestement voulu Karl Lagerfeld, en hissant sa compagne de vie, Choupette, au rang d’une personnalité à part entière.
Au-delà du glamour, des paillettes, de l’extravagance et des spots lights, Karl Lagerfeld a choisi, en quittant les podiums, de démontrer, que ce qu’il a de plus sincère, de plus fondamental, de plus authentique, n’est pas le soyeux de la fausse fourrure, mais le réconfort, l’affection et l’attention d’un félin qui a une vraie place dans sa vie.
Sacrément chouette cette petite Choupette !
Véronique Fontana
Etude Fontana
Avocats Lausanne
Bonjour,
Voici une autre contribution, sur le même sujet, parue sur LeTemps.ch. Bonne réception et vive les chats!
https://www.letemps.ch/opinions/ne-faut-croire-racontait-karl-lagerfeld-chatte-choupette
Le rebond juridique est choupettesque 🙂
Mais on ne sait toujours pas si Choupette a des héritiers?
Blague à part, un vrai génie Karl et même si bien sûr il n’a sûrement pas lu les 100’000 ouvrages de sa bibliothèque, peut-être Choupette, elle oui? (tout l’art du mkg).
En revanche il a réellement bâti sa réputation en réinterprétant l’héritage de Coco, qui elle était vraiment une pionnière et ça c’est le propre de deux génies.
Repose en paix Karl, Choupette est en de bonnes mains.