Le Tribunal fédéral autorise la grève dans les hôpitaux fribourgeois, une affaire d’importance capable même de faire tourner une fondue.
Retour au blogDans un arrêt très récent le Tribunal fédéral a annulé la disposition de la nouvelle Loi sur le personnel de l’Etat interdisant au personnel de soins de faire la grève. Seuls les policiers et policières, les agents et agentes de détention ainsi que les pompiers sont touchés par cette interdiction.
Certains citoyens s’en sont émus saisissant directement le Tribunal fédéral.
Il est relativement rare que le Tribunal fédéral dans le cadre d’un contrôle abstrait d’une loi cantonale la sanctionne.
En effet dès lors qu’une loi a été votée par l’organe cantonal compétent et au vu des principes découlant du fédéralisme et de la proportionnalité, le Tribunal fédéral ne sanctionne une loi cantonale que si elle ne se prête à aucune interprétation conforme à la Constitution fédérale.
En l’espèce, se posait la question de savoir si l’interdiction de grève au personnel de soins viole le droit de grève garantit par l’article 28 de la Constitution fédérale ainsi que par la Constitution fribourgeoise notamment.
Les recourants ont critiqué le fait que la notion de « personnel de soins » ne ciblait pas des professions spécifiques mais englobait l’ensemble des employés actifs dans les hôpitaux publics fribourgeois.
Or selon eux, seul un cercle restreint de professionnels de soins est susceptible de préserver la vie et la santé des patients.
Après avoir rappelé de droit à la liberté syndicale des travailleurs et l’évolution extensive de ce droit ces dernières années, le Tribunal fédéral a admis que le droit de grève ne saurait être totalement prohibé, des mesures organisationnelles pouvant être mises en place pour l’encadrer.
En outre seuls les domaines essentiels que sont le maintien de l’ordre public la protection des biens et des personnes, la lutte contre le feu ou les soins requis par les malades dans les hôpitaux devaient être sauvegardés.
Le Tribunal fédéral a aussi examiné les différentes lois cantonales sur le personnel de l’Etat qui majoritairement ne réglementent pas l’exercice du droit de grève par leurs employés.
Il a considéré que le personnel de soins touché était beaucoup trop large et qu’il n’était fait aucune distinction selon la nature des activités thérapeutiques déployées.
Ce constat mis en parallèle avec l’évolution élargie du droit de grève dans la fonction publique et la jurisprudence justifiait son intervention. Il aurait fallu limiter l’interdiction du droit de grève à un personnel strictement nécessaire à la préservation de la vie et de la santé des patients.
Par cette décision qui ouvre encore le droit à la grève le Tribunal fédéral rend encore plus difficile la gestion par l’Etat dans ses tâches régaliennes.
Contraindre indirectement chaque canton à définir précisément les tâches et fonctions essentielles de ses employés, notamment dans ses hôpitaux, est quasiment impossible à mettre en œuvre pratiquement. Cela crée aussi une hiérarchie entre les différents personnels de l’Etat certains étant essentiels à son activité d’autres non. Un médecin exerçant dans un hôpital public l’est manifestement, mais qu’en est-il d’une infirmière, d’un aide-soignant, d’un laborantin ou d’une réceptionniste aux urgences ?
A cet égard l’égalité de traitement en prend un sacré coup. Et que dire des policiers, gendarmes, agents de détention et autres sapeurs-pompiers ?
Bien sûr qu’ils sont essentiels au bon fonctionnement de l’Etat. Mais eux aussi sont susceptibles d’émettre des revendications justifiées ou non avec comme arme suprême le droit de grève, et pas seulement dans le canton de Genève !
Le Tribunal fédéral n’a-t-il pas ouvert là une magnifique boîte de Pandores ? Peut-être ? Mais peut-être aussi que dans le canton de Fribourg, tout comme dans d’autres cantons d’ailleurs, un piquet de grève pourrait être facilement levé devant une bonne fondue moitié-moitié.
Véronique Fontana
PS: je précise que cet article ne fait pas l’objet d’un placement de produits même si j’adore la fondue.
Une de vos collègues vante la médiation.
Peut-être qu’une médiation devant un caquelon et bien arrosée de chasselas serait plus performante?
Mais il y en aura toujours avec la gueule de bois pour faire recours ?