Violences domestiques ? merci les voisins…
Retour au blogDans une affaire récente et somme toute banale pour le praticien, le Tribunal fédéral s’est penché sur une affaire de violences domestiques dans laquelle était notamment contestée le fait même que le recourant et sa victime faisaient ménage commun. Cette question est en effet essentielle, voire même parfois vitale, puisque ne l’oublions pas il arrive trop souvent encore que des épouses ou des concubines succombent des suites de violences commises au sein du couple.
Le couple qui faisait ménage commun sans être marié se disputait fréquemment. L’homme est allé jusqu’à battre sa partenaire lui infligeant des gifles, des coups de poings et des coups de ceinture avec des conséquences graves et marquées puisque le recourant avait notamment planté une fourchette dans la main de sa partenaire de vie, coup qui lui a valu cinq points de suture. Interpellée par les médecins sur l’origine de cette blessure, la victime a simplement expliqué qu’elle s’était blessée en cuisinant.
C’est uniquement et grâce aux voisins de ce couple terrible que la police a pu intervenir même contre la volonté de la victime, les forces de l’ordre n’étant pas toujours reçues avec sympathie par les deux protagonistes.
L’homme a été condamné pour lésions corporelles simples qualifiées et menaces qualifiées notamment.
La spécificité de ces violences commises au sein d’un couple pendant la vie commune est que, si elles sont commises par des personnes qui font ménage commun, elles sont poursuivies d’office, soit indépendamment de la volonté de la victime qui pourrait ne pas vouloir déposer plainte par crainte notamment de représailles.
C’est dès lors sans surprise que le recourant a tenté de faire valoir, auprès de notre Haute Cour en dernier ressort, que la situation de couple qu’il vivait avec la victime ne correspondait pas à celle de concubins et que partant, il n’aurait pas dû être condamné pour tous les coups qu’il avait donnés à son amie qui, bien entendu n’avait pas déposé plainte.
En effet, selon les articles 123 alinéa 2 chiffre 6 du Code Pénal et l’article 180 alinéa 2 litt b du Code Pénal, les lésions corporelles simples et les menaces se poursuivent d’office si l’auteur est le partenaire de la victime, pour autant qu’ils fassent ménage commun pour une durée indéterminée et que l’atteinte ait été commise durant cette période ou dans l’année qui a suivi la séparation.
Ces dispositions visent en particulier le concubinage.
Ici le Tribunal Fédéral rappelle que le concubinage doit être compris comme une communauté de vie d’une certaine durée, voire durable, entre deux personnes, à caractère en principe exclusif, qui présente une composante tant spirituelle que corporelle et économique.
De façon plus réductrice on l’appelle « la communauté de toit, de table et de lit ».
Il ne s’agit donc pas pour le juge de déterminer pendant combien de temps un couple a vécu ensemble, mais de procéder, dans chaque cas, à une analyse de l’ensemble des circonstances, pour savoir s’il y a effectivement concubinage.
Dans le cas qui nous occupe, alors même qu’aucune annonce au contrôle des habitants n’avait été faite, le concubinage a été retenu. Les critères pris en considération ont été les propres déclarations des parties faites en cours d’instruction, l’existence d’une forme de dépendance financière de la victime envers son partenaire, les projets de mariage ainsi que le fait que la victime alors enceinte des œuvres du recourant s’était résolue à avoir recours à l’avortement au vu des circonstances alors que le recourant aurait voulu garder l’enfant.
Ici, on ne le rappellera jamais assez, l’intervention de parents, voisins ou tout tiers confrontés à des violences graves commises sur autrui est décisive. Il est impératif qu’elles osent immédiatement avertir la police, même s’il existe une certaine forme de réticence à s’occuper des affaires d’autrui, notamment de couple. Il en va en effet de la protection de la population et surtout des plus faibles dont certains doivent être protégés presque malgré eux.
Malheureusement, encore de nos jours, dans des pays dits développés si les femmes font partie de cette tranche de la population qui a besoin de protection, il en va ainsi de la plupart des concubins. Il n’est pas facile d’appeler à l’aide, d’avouer qu’on est battu et humilié, que l’on soit homme ou femme.
Alors, sans tomber dans le voyeurisme et sans s’intéresser à ce que font nos voisins, il est peut-être sage, prudent et civique d’intervenir à la porte d’en face ou à l’appartement du haut lorsque les bornes sont dépassées.
Afin que les voisins ne soient pas seulement là pour être les simples spectateurs de « scènes de ménages »…
Véronique Fontana
Etude Fontana
Etude d’avocats
références de l’arrêt: 6B _757/2020
Les messages et informations que vous donnez sont utiles, et les descriptions du comportement d’une femme qui n’ose pas porter plainte correspondent bien à ce que j’ai pu constater durant quatre ans, quand ma voisine venait demander de l’aide au milieu de la nuit. Étant déjà relativement âgé, j’ai été surpris en bien de voir que la police prenait au sérieux mes appels, puis agissait au mieux en faisant preuve de psychologie, cela n’aurait pas été concevable il y a une trentaine d’années ! J’ai cependant été déçu de la lenteur de la justice. L’homme violent et menteur avait enfin été convoqué, jugé et condamné pour la première fois, il avait fallu beaucoup de courage à ma voisine pour finalement adopter le point de vue des personnes qui voulaient lui faire comprendre qu’elle devait se défendre. Beaucoup de patience aussi aux premiers concernés, médecins, assistants sociaux, police… Puis l’organisme qui s’occupe de l’exécution des peines (j’ignore qui et comment il est constitué) a attendu une année et demie avec d’agir. En attendant la police pouvait continuer à venir, continuer ses efforts, alors qu’elle aurait pu être mieux soutenue si l’homme avait déjà fait l’expérience d’une sanction. Je trouve cela déplorable, n’y a-t-il pas des priorités pour que dans ce cas l’on s’active plus vite que pour un vol à l’étalage ? Il a fallu que cet homme soit jugé une deuxième fois pour autre affaire, ce qui semble avoir eu un effet pour qu’enfin on s’occupe plus de lui. Actuellement il est de nouveau dans son appartement, sans son amie qui a réussi à le quitter. À la place il a un chien qu’il s’est mis en tête de dresser : « Assis ! Couché ! Va à ta place ! Arrête ! C’est quoi ça ? Viens ici !.. Il m’a mordu !.. » Cela pendant des heures, sous l’effet de l’alcool, dès 23 heures. Des imbéciles ont apparemment estimé qu’un chien l’aiderait à « se responsabiliser », et ceux-là ne prennent pas la peine de se déplacer, une fois au moins, pour constater comment il « apprend à devenir indépendant… »