La justice chevaleresque
Le blog de Véronique Fontana

Les délits commis entre quatre yeux: le Tribunal fédéral voit double

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10/09/2018 | Articles, Droit pénal

Dans une pratique presque constante, les autorités cantonales de poursuite, principalement pour des motifs économiques, décident très souvent, de ne pas entrer en matière ou de clôturer une enquête pénale sans suite. Cela heurte, très souvent, chez les victimes et les plaignants, le sentiment de justice.

Le Tribunal fédéral n’a de cesse de rappeler un principe cardinal tiré du principe de la légalité, en ce sens que le Ministère public ne peut mettre fin à l’action pénale que si les faits ne sont clairement pas punissables, ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies.

Il s’agit du principe in dubio pro duriore.

Les autorités de poursuite disposent cependant d’un large pouvoir d’appréciation que le Tribunal fédéral examine, et partant, sanctionne avec retenue.

Cela étant, la procédure doit se poursuivre lorsqu’une condamnation apparaît plus vraisemblable qu’un acquittement ou lorsque les probabilités d’acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes. En particulier en présence d’infraction grave. En effet, en cas de doute s’agissant des faits dénoncés, ce n’est pas à l’autorité d’instruction, mais au juge matériellement compétent, à savoir le juge du fond, de se prononcer.

Le Tribunal fédéral évoque souvent, que dans les affaires où l’accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s’opposent celles du prévenu, et lorsqu’il n’est pas possible d’estimer que certaines dépositions sont plus crédibles que d’autres, le principe in dubio pro duriore impose généralement, au stade de la clôture de l’instruction, que le prévenu soit mis en accusation.

Cela vaut en particulier pour les délits commis typiquement entre quatre yeux, pour lesquels il n’existe souvent aucune preuve objective.

Mais attention: des contradictions internes dans les accusations peuvent mettre à mal ce principe, ou toute autre circonstance rendant les accusations peu crédibles.

De ces principes on peut en tirer les conclusions suivantes:

  • La victime et/ou le plaignant doivent toujours énoncer leurs accusations de façon objective, claire et le plus précisément possible.
  • Les explications doivent, si possible, être données en une fois, afin d’éviter le risque de contradictions,
  • Les détails sont importants, tout comme les circonstances précises des faits.

Tout cela ne doit pas obscurcir le fait que les autorités de poursuites pénales doivent mener des enquêtes de façon objective. Elles se doivent d’éclaircir les faits sans a priori.

En pratique, toutefois, on pourrait en déduire que la victime et/ ou le plaignant ont, non seulement, comme adversaire et contradicteur, l’auteur présumé de l’infraction, mais aussi l’autorité de poursuite pénale.

C’est parfois le cas.

Heureusement que le système juridique helvétique est particulièrement protecteur en la matière.

Le Tribunal fédéral, sans le dire toujours expressément, est garant de ces principes et sa vision va souvent bien au-delà des apparences.

Un bon juge a souvent de bonnes lunettes!

 

Véronique Fontana

Etude Fontana

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