La justice chevaleresque
Le blog de Véronique Fontana

Mon fils, ma bataille

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11/10/2022 | Articles

Dans une affaire récente le Tribunal fédéral a eu à examiner le cas d’un citoyen suisse né en 1931 ayant reconnu être le père d’un enfant d’une ressortissante française née en 1980…

Cet homme a déclaré être le père de l’enfant en France et les autorités françaises ont accepté la reconnaissance de paternité.

Suite à cela les parents ont requis la transcription de l’acte de naissance de l’enfant dans les registres de l’état civil suisse. Le SPOP a émis des doutes sur la réalité de la filiation, notamment en raison de l’âge du père présumé.

Selon l’autorité, seul le père biologique pouvait reconnaître l’enfant. En cas de doute, un test ADN peut être demandé.

Dans le cadre de la procédure en Suisse, cet homme a admis qu’il n’était pas le père biologique, tout en contestant que le droit suisse puisse exiger l’existence d’un tel lien.

Il évoquait en outre une relation familiale de fait justifiant la protection du lien de filiation entre lui et l’enfant sur la base de l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Il a été débouté de toutes les instances cantonales.

Cependant le Tribunal fédéral a admis son recours pour les raisons suivantes :

D’abord il a considéré que la décision de reconnaissance française ne pouvait être écartée sans autre et que l’ordre public matériel n’était pas violé en l’espèce.

En outre il a estimé que selon la conception juridique suisse, la paternité biologique n’est pas une condition préalable à la reconnaissance, qui suppose uniquement l’existence d’un lien de filiation maternelle et l’absence de filiation paternelle.

En clair, une reconnaissance sciemment erronée est donc valable sous réserve d’une action en contestation. Le Tribunal fédéral relève toutefois que la doctrine n’est pas unanime sur cette question.

Il s’est en outre basé sur un précédent récent, où il avait jugé qu’une reconnaissance socio-affective étrangère n’était pas contraire à l’ordre public suisse au regard des règles sur l’adoption.

Mais ce qui a été décisif est le fait que la France avait déjà reconnu la paternité du père et qu’il n’a pas voulu contourner la loi en demandant la reconnaissance en Suisse.

Enfin, il a constaté que les parents s’étaient mariés en France, mariage jugé valable.

*   *   *

Cette affaire, qui n’est pas si anecdotique que ça, et qui n’est pas rare, démontre les faiblesses voire les lacunes du droit actuel qui devait le cas échéant être harmonisé au niveau européen. Certes le fait qu’un enfant ait un père est important mais faut-il aller jusqu’à admettre une reconnaissance d’un père sans lien biologique avec l’enfant?

Et la question se pose du contournement des règles strictes relatives à l’adoption faite le cas échéant à l’étranger.

Mais comme l’évoque magnifiquement un auteur de doctrine : des cigognes aux éprouvettes : les méthodes changent, l’amour reste.

Véronique Fontana

Référence 5a_760/2021

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