La justice chevaleresque
Le blog de Véronique Fontana

Ne réveillez pas le chien qui dort

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01/03/2021 | Articles, Droit pénal

Les chiens ne sont pas des jouets… ce sont bien des êtres vivants avec des émotions… par ailleurs assez comparables aux nôtres.

Les chiens sont des communicateurs…

Et par leur attitude, ils expriment leurs états d’âme…

En fait, le chien doit apprendre deux langages et deux ensembles de règles de vie: il doit savoir comment se comporter et comment communiquer avec les humains, d’une part, et il doit savoir comment se comporter et communiquer avec ses congénères, d’autre part.

 

Par ailleurs, tout propriétaire de chien devrait savoir « lire » son animal :

Par exemple on peut discerner « l’état d’esprit » d’un chien à la position de ses oreilles ou de sa queue, au fait que le blanc de l’œil est visible ou non, à ses babines retroussées ou pas, au fait que le poil est dressé sur le garrot, ou encore que le chien se tient penché vers l’avant ou, au contraire, vers l’arrière, voire se couche…

 

*   *   *

 

Il est regrettable que les cours obligatoires pour nouveaux propriétaires de chiens aient été supprimés. Et le résultat s’est concrétisé malheureusement dans une affaire dont je me suis occupée, où toutes les fautes de comportement possibles des détenteurs de chiens ont été commises.

 

En résumé, l’affaire en question était la suivante :

 

Alors qu’elle était sortie avec son chien de race amstaff à la laisse, une femme s’est retrouvée tout-à-coup en face d’une enfant, qui promenait un tout petit épagneul-papillon. Ce minuscule chien a commencé à aboyer frénétiquement contre le molosse, qui est resté indifférent et s’est même couché aux pieds de sa maîtresse, dans un premier temps. Puis, alors que la propriétaire du amstaff tentait de s’éloigner, le harnais que portait son amstaff s’est malencontreusement défait, soustrayant ainsi le molosse à tout contrôle.

 

Dans ces circonstances, le amstaff a attaqué, mordu et tué le petit épagneul-papillon.

 

Une vidéo de la scène a été largement diffusée sur les réseaux sociaux et a choqué l’opinion publique en raison de la violence de l’attaque.

 

Avec un minimum de connaissances des chiens, un tel conflit aurait pu être désamorcé facilement notamment en mettant un peu de distance entre les deux animaux. En effet, à partir de 3 m environ, l’agressivité d’un chien tombe et, à partir de 6 m, elle disparaît complètement.

 

Dans cette affaire que j’ai défendue, le amstaff en question n’était pas un « chien dangereux », même si cette race est classée dans la catégorie des molosses. A l’époque des faits, ce chien vivait en famille avec un enfant de deux ans, dans un ménage qui possédait en plus deux chats.

Il n’y a jamais eu aucun incident dans cette famille, ni avec l’enfant, ni avec les chats, ni lors de sorties en compagnie d’autres chiens, plusieurs personnes en ont témoigné lors du procès.

La cause du drame dans cette affaire est que le petit épagneul-papillon était promené par une enfant, toute seule, ce qui est totalement irresponsable.

Et ce n’est pas parce que l’épagneul-papillon est un tout petit chien qu’il peut être confié à une enfant sans aucune supervision.

Dans cette triste affaire, l’enfant a malheureusement fait tout faux.

Mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas connaître les règles qui régissent les comportements canins.

Le fautif n’est en réalité pas l’enfant mais l’adulte qui l’a laissé promener le chien sans assistance ou surveillance.

Comme l’épagneul-papillon était promené avec une laisse à dérouleur.

Il aurait suffi de bloquer le système de déroulement, ce qui aurait empêché l’épagneul d’avancer contre le amstaff en aboyant.

Ensuite, il aurait suffi de rappeler ou de stopper le chien avec la voix ou de tirer sur la laisse afin de le faire reculer et le tour était joué.

La propriétaire du amstaff n’a absolument rien pu faire, l’épagneul-papillon lui tournait autours et la laisse s’enroulait autours de ses jambes.

 

Ensuite, un tiers, qui avait assisté à la scène depuis sa fenêtre, est descendu dans la rue en hurlant et s’est précipité vers l’épagneul-papillon déjà mort, en gesticulant.

La propriétaire du amstaff a rendu ce tiers attentif au fait que l’épagneul était mort et qu’il ne fallait pas le toucher avant que le molosse ait été récupéré par sa propriétaire.

Mais le tiers s’est emparé de la dépouille de l’épagneul-papillon et ce faisant il a été mordu par le amstaff. Mais il n’a pas été « agressé » par le amstaff. Les morsures dont il a été victime ne concernaient que les parties de son corps qui avaient été directement en contact avec la dépouille de l’épagneul-papillon et que le molosse ne voulait pas lâcher.

 

L’enfant avait été mise en garde et invitée à reculer pour s’éloigner du amstaff qui était impassible au début de la rencontre, ce qu’elle n’a malheureusement pas fait.

Ensuite, la propriétaire du amstaff a rendu attentif le tiers qu’il ne devait pas toucher la dépouille avant que le chien ait été entravé, ce qu’il n’a pas fait.

 

Aucune négligence ne peut être reprochée à la propriétaire du amstaff.

Et logiquement, toutes ces constatations de fait auraient dû conduire à son acquittement.

 

Mais tel n’a pas été le cas.

                                                                                     

Reflétant l’intolérance grandissante de l’opinion publique à l’égard des chiens et de leurs maîtres, la propriétaire du amstaff a été condamnée à une peine symbolique cinq jours-amende à Fr 10.- le jour, avec sursis pendant deux ans. La sanction est certes légère, mais elle entraîne aussi une condamnation à tous les frais, ce qui représente plusieurs milliers de francs.

 

*   *   *

 

La morale de l’histoire est que parfois le mérite n’est pas récompensé à sa juste valeur. Cela dit, ce n’est pas une raison bien évidemment pour ne pas respecter les règles de prudence.

 

Comme le dit la sagesse populaire : Fais ce que dois, advienne que pourra.

Véronique Fontana
Etude Fontana
Avocats Lausanne

Commentaires

4 réponses à “Ne réveillez pas le chien qui dort”

  1. Camille D. dit :

    « Le harais défait » vous écrivez, peu importe comment, la propriétaire du molosse était par conséquent hors la loi au moment de l’attaque. Je trouve la condamnation trop légère. Et les conséquences psychologiques pour la petite fillette? Est-ce que le chien sera euthanasié ?

  2. Thierry Maeder dit :

    « L’intolérance grandissante de l’opinion publique à l’égard des chiens et de leurs maîtres »: nous parlons ici d’un chien de combat. Il est ridicule de le mettre dans le même sac qu’un caniche. D’après Wikipedia ( https://de.wikipedia.org/wiki/American_Staffordshire_Terrier ), il est interdit dans les cantons de Genève, du Valais et de Zurich. Comme cet exemple le montre, ces chiens peuvent être sans problème, jusqu’au jour où leur vraie nature remonte à la surface et s’exprime. Je ne comprends pas pourquoi les gens veulent absolument s’exposer à ce genre de tragédies. Comme le dit la sagesse populaire, « chasser le naturel, il revient au galop ».

  3. Olivier Wilhem dit :

    Belle photo.
    Ca me rappelle un de mes dobis ayant aboyé les enfants d’une voisine, jouant au foot sur mon terrain, sans les mordre.

    Ils m’ont dénoncé, ai du me présenter à la police, qui ont constaté que mon chien était parfaitement éduqué.

    Il n’empêche que l’affaire ne s’est pas terminée là, puisque je reçus une autre convocation, du vétérinaire cantonal, à laquelle je nai pas répondu, puisque je faisais mes valises pour l’Uruguay avec mon chien, bien sûr!

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